Fontaine Saint Gengoult

Légende tirée du livre Légendes et croyances en boulonnais et pays de Montreuil de Bernard Coussée

Aujourd’hui dans la cave d’une boulangerie de la rue St Gengoult, la fontaine n’attire plus la foule des pèlerins qui venaient jusqu’avant la révolution française y chercher de l’eau pour guérir les fièvres, les affections de la peau, rhumatisme, maux des reins. 

Au moment de la neuvaine qui suivait la fête du saint le 11 mai, l’affluence était telle qu’on avait peine à s’approcher du puits. Bien que Saint Gengoult, soit le patron des maris trompés, on ne signale pas de rituel populaire en rapport avec le mariage. 

Par contre l’eau du puits-fontaine aurait servi jusqu’à la fin du XVème siècle à diagnostiquer la lèpre ? Dès qu’un individu était soupçonné d’en être atteint, on le signalait aux échevins qui le faisaient examiner par deux barbiers. Pour cet examen, ceux-ci faisaient conduire le patient à la fontaine et le saignaient dans une vace. On recouvrait ensuite le récipient d’une toile et on le plongeait dans l’eau froide, puis les barbiers soulevaient le linge et examinaient l’état du sang. S’il était resté pur et vermeil c’est que le patient était sain, et l’échevin le renvoyait. Si le sang présentait des traces de corruption, l’infortuné était bel et bien déclaré Ladre. 

En fait, il semble que ce type de diagnostic ait été inventé de toute pièce par Ch. Hennequier dont les notes abusèrent successivement le Comte de Loisne et Auguste Braquehay.
Une mise au point de la question a été établie par le docteur Albert Bourgeois en 1972. 
Pour résumer j’emprunte un passage de la lettre que cet érudit adressa à Melle Leroy après sa publication du Folklore des eaux : « Nous ne possédons plus les comptes de la maladerie du Val d’Ecuire (Montreuil) de la période où les lépreux s’y trouvaient encore, mais il reste des compte-rendus d’examens de lépreux (épreuve des Ladres)  d’autres villes effectués à Montreuil sur Mer. » 
D’autre part, il existe une contradiction entre la façon d’examiner le sang à la fontaine et le mode d’examen des lépreux. 
Jusqu’à la fin du XVème siècle, partout en Artois et Boulonnais, les suspects de lèpre étaient « éprouvés » par un jury des lépreux. 
​Dans la 2ème moitié du XVème siècle, si le jury médiéval se substitue à St Omer d’abord, puis progressivement dans d’autres villes, au jury du Ladres au début du XVIème, il n’est pas rare de voir encore faire appel aux Ladres, soit seuls, soit en jury mixte avec les praticiens. Sauf à Béthune où un jury de 3 chirurgiens juge les suspects au début du XVIème siècle, partout le chirurgien dans le jury médical n’est que le bras du médecin qui est la tête et qui estime que le travail manuel est indigne de lui. Le chirurgien saigne donc, à partir de ce moment les lépreux sous la surveillance du médecin, ce qu’il ne pouvait faire seul car les bans des barbiers-chirurgiens le lui interdisant. 
Bans de barbiers de Montreuil entre 1419 et 1519 : « Que aucun barbiers ne soigneront mezel ny mezelle sous peine d’estre demis de leur mestier et de perdre tous leurs outils » 

Comme vous le voyez, il ne saurait être question d’avoir soigné les lépreux à Montreuil avant la fin du XVème siècle, et à plus forte raison de plonger leur sang dans la fontaine.