Au Moyen Age, souvent, on appelait « peste », parfois sans autres précisions, toute maladie d’allure épidémique et à forte mortalité ; à l’inverse, certaines épidémies imputées au Mal des Ardents pouvaient aussi bien être la peste à bubons (Chaumartin). Ce Mal des Ardents était désigné par plusieurs noms suivant les lieux et les symptômes : Peste de Feu, Feu Sacré, Feu Saint-Antoine, Saint Martial ou Saint Michel, Gangrène des Solognots...
Au Moyen Age, souvent, on appelait « peste », parfois sans autres précisions, toute maladie d’allure épidémique et à forte mortalité ; à l’inverse, certaines épidémies imputées au Mal des Ardents pouvaient aussi bien être la peste à bubons (Chaumartin).
Ce Mal des Ardents était désigné par plusieurs noms suivant les lieux et les symptômes : Peste de Feu, Feu Sacré, Feu Saint-Antoine, Saint Martial ou Saint Michel, Gangrène des Solognots... Parmi les épidémies qui ont ravagé l’Europe au Moyen Age, certaines peuvent être considérées comme dues à l’ergot surtout celles apparues après des pluies abondantes et des disettes. Mais les descriptions des chroniqueurs de l’époque étant nos seules sources, certains cas sont douteux.
Plusieurs auteurs citent l’épidémie de Xanten en Westphalie en 857, mais d’après Delaigue, la première qui puisse être incontestablement due à l’ergot est celle de 945 à Paris, rapportée par la chronique de Flodoart «... une peste de feu brûlait et détruisait les différents membres jusqu’à ce que la mort mit fin à leur supplice... ». L’épidémie de 994 fit 40 000 morts dans le sud-ouest de la France (Aquitaine et Périgord) ainsi que dans l’Angoumois et le Limousin. C’est la chronique de Raoul Glaber, moine de Cluny, qui donne les précisions suivantes : « A cette époque sévissait parmi les hommes un fléau terrible, à savoir un feu caché qui, lorsqu’il s’attaquait à un membre, le consumait et le détachait du corps ; la plupart en l’espace d’une seule nuit furent complètement dévorés par cette affreuse combustion... ». Durant plusieurs siècles, la terrible maladie fit des ravages, aussi bien en France — notamment épidémies de 1039 en Bretagne, 1105 en Artois (qui a provoqué le miracle de la Sainte Chandelle d’Arras), 1131 à Paris (avec la consécration de l’église Sainte-Geneviève), — que dans le reste de l’Europe où l’on signale des épidémies de feu sacré en Espagne (xie siècle), au Danemark (xiiie) et en Saxe ainsi qu’au Portugal (xive). Durant tout le xvie et le xviie siècle, le mal dévasta plusieurs régions d’Allemagne (le Duché de Luxembourg en 1581, la Silésie en 1587, la Hesse en 1596, la Saxe en 1650, 1670, et 1674).
Dans les mêmes temps, la France n’était pas épargnée avec des épidémies, notamment en Aquitaine et en Sologne (1650, 1670 et 1674). Au cours du xviiie siècle, les épidémies furent un peu moins fréquentes, mais peu avant que la nature du mal ne soit clairement reconnue, une épidémie eut lieu en 1770 dans toute l’Europe. Comment se présentait ce mal redouté et redoutable ? Après des maux de tête, des vertiges, des hallucinations, des tremblements et autres troubles, la maladie évoluait en provoquant des douleurs atroces, les malades étaient comme brûlés par un « feu intérieur », et pourtant les mains et les pieds atteints, restaient froids et insensibles au toucher. Bientôt, les parties atteintes « devenaient noires comme du charbon » — appuyant cette idée de « feu intérieur » qui consumait les malades — puis « spontanément et sans douleur, elles se détachaient du corps ». Dans « la vie de Saint-Hugues, évêque de Lincoln », une description quasi-médicale du
Mal des Ardents est donnée par l’auteur (c’est le chapelain de Saint-Hugues, en visite à Saint-Antoine en Dauphiné en 1119), qui précise l’état des malades ayant contracté le feu sacré : « Leurs chairs avaient été en partie brûlées, leurs os consumés et certains membres détachés, et malgré ces mutilations, ils paraissaient jouir de la meilleure santé... ce qu’il y a de plus extraordinaire dans ce miracle même, c’est qu’après l’extinction du feu, la peau, la chair et les membres qu’il avait dévorés ne se restauraient jamais. Mais chose étonnante, les parties qu’il avait épargnées restaient parfaitement saines, protégées par des cicatrices si solides qu’on voyait des gens de tout âge et des deux sexes, privés de l’avant-bras jusqu’au coude, d’autres de tous les bras jusqu’à l’épaule, enfin d’autres encore qui avaient perdu leurs jambes jusqu’au genou ou la cuisse jusqu’à l’aîne et aux lombes, montrent la gaieté de ceux qui se portent le mieux ». Une des caractéristiques aussi de la maladie, c’est la perte du sommeil : toute la nuit, les malades » criaient, suppliaient, priaient, mais ils ne dormaient pas », cette insomnie n’était pas due qu’à leurs souffrances, on ne comprendra que plus tard sa signification.
Par ailleurs, Sigisbert de Gembloux entre autres, signale des convulsions pour l’épidémie de 1089, «... de nombreux malades réellement tordus par la contraction des nerfs souffraient de cruels tourments ». Mais après ces formes mixtes de la maladie provoquant gangrène et convulsions, des formes uniquement convulsives, au Mal Saint-André furent décrites. Les crises convulsives s’accompagnaient d’hallucinations. Un malheur ne venant jamais seul, la maladie sévissait, les années de disette, après un printemps froid et humide suivi d’un été pluvieux. On mettra des années pour établir une relation entre ces faits. Pour combattre ces épidémies, on employa les moyens habituels de l’époque : la prière, le recours à Dieu et à tous ses saints, avec en sus des pratiques relevant le plus souvent de la magie et de la sorcellerie et quelquefois de la médecine ! Dans Antoninae Historiae compendium, Falco, historien de l’ordre des Antonins en 1533 écrit : « en l’an 1090... une cruelle peste et maladie de feu, ou persécution du feu sacré, tuait un grand nombre de personnes entre l’Occident et le Septentrion, et en estropiait plusieurs, brûlant misérablement leurs membres, et pour porter un efficace remède à cette horrible misère et calamité, on ne trouva de meilleur, ni plus assuré moyen que d’implorer l’aide et se mettre par prières sous la protection du grand Saint-Antoine ».
En effet, depuis une vingtaine d’années, les restes de Saint-Antoine l’Egyptien, sont à la Motte-aux-Bois, petit bourg du Dauphiné, sur les dernières collines molassiques de Chambaran dominant la plaine de l’Isère. Ces restes font l’objet d’un pélerinage : on vient prier le Saint et aussi lui demander la guérison du « feu sacré » qui devient très vite le « feu Saint-Antoine ». Une foule de malades dans un grand dénuement, dont beaucoup meurent en route ou sur place, a envahi littéralement le bourg. En 1095, un seigneur de la Valloire toute proche, Gaston, son fils ainsi que quelques compagnons, fonde « l’ordre des Hospitaliers de l’Aumône de Saint-Antoine » qui se donne pour tâche de soigner les victimes du « Mal des Ardents » ou « Feu Saint-Antoine », et surtout de les aider à survivre malgré leur handicap. C’est ainsi que fut créé le premier hôpital pour les victimes du terrible fléau.
En 1119, le pape Calixte II (ex-archevêque de Vienne) promulgue une bulle en faveur des Hospitaliers (ainsi que des Bénédictins venus de Montmajour en 1083 pour garder les restes du Saint Ermite, et constructeurs de la première église) : « nul n’a le droit de violer leurs demeures, de voler leurs biens ». Cette recommandation est bien utile, mais peut-être pas suffisante, en ces temps troubles où certains seigneurs et les bandes de voleurs, employaient les mêmes méthodes pour vivre aux dépens du « pauvre peuple ». L’ordre sous la direction de ses Grands-Maîtres successifs (dix-sept issus des nobles familles du terroir de 1095 à 1289) va se développer. Gaston de Valloire, le premier Grand-Maître a donc créé le premier hôpital avec une organisation fonctionnelle : accueil et réception, examen et diagnostic, amenant un tri des malades avec les soins adéquats.
Ces soins étaient à la fois simples et complexes. Simples, car la partie purement médicale comportait l’utilisation de potions et d’onguents à base de plantes médicinales (différentes suivant les régions et les commanderies) ; la chirurgie, elle, ôtait les membres condamnés. Complexes, par le rituel : l’invocation à Saint-Antoine était complétée par l’usage du Saint-Vinage (vin recueilli le jour de l’Ascension après arrosage des ossements de Saint-Antoine) suivant un cérémonial bien défini. Mais c’est surtout la partie hygiène qui était importante : l’hébergement, l’hygiène corporelle et vestimentaire et surtout l’hygiène alimentaire. La qualité de l’alimentation était déterminante dans les guérisons, ainsi que la quantité et les fameux cochons élevés par les moines y étaient pour beaucoup !
Parmi les épidémies qui ont ravagé l’Europe au Moyen Age, certaines peuvent être considérées comme dues à l’ergot surtout celles apparues après des pluies abondantes et des disettes. Mais les descriptions des chroniqueurs de l’époque étant nos seules sources, certains cas sont douteux. Plusieurs auteurs citent l’épidémie de Xanten en Westphalie en 857, mais d’après Delaigue, la première qui puisse être incontestablement due à l’ergot est celle de 945 à Paris, rapportée par la chronique de Flodoart «... une peste de feu brûlait et détruisait les différents membres jusqu’à ce que la mort mit fin à leur supplice... ». L’épidémie de 994 fit 40 000 morts dans le sud-ouest de la France (Aquitaine et Périgord) ainsi que dans l’Angoumois et le Limousin. C’est la chronique de Raoul Glaber, moine de Cluny, qui donne les précisions suivantes : « A cette époque sévissait parmi les hommes un fléau terrible, à savoir un feu caché qui, lorsqu’il s’attaquait à un membre, le consumait et le détachait du corps ; la plupart en l’espace d’une seule nuit furent complètement dévorés par cette affreuse combustion... ». Durant plusieurs siècles, la terrible maladie fit des ravages, aussi bien en France — notamment épidémies de 1039 en Bretagne, 1105 en Artois (qui a provoqué le miracle de la Sainte Chandelle d’Arras), 1131 à Paris (avec la consécration de l’église Sainte-Geneviève), — que dans le reste de l’Europe où l’on signale des épidémies de feu sacré en Espagne (xie siècle), au Danemark (xiiie) et en Saxe ainsi qu’au Portugal (xive). Durant tout le xvie et le xviie siècle, le mal dévasta plusieurs régions d’Allemagne (le Duché de Luxembourg en 1581, la Silésie en 1587, la Hesse en 1596, la Saxe en 1650, 1670, et 1674). Dans les mêmes temps, la France n’était pas épargnée avec des épidémies, notamment en Aquitaine et en Sologne (1650, 1670 et 1674). Au cours du xviiie siècle, les épidémies furent un peu moins fréquentes, mais peu avant que la nature du mal ne soit clairement reconnue, une épidémie eut lieu en 1770 dans toute l’Europe.
Comment se présentait ce mal redouté et redoutable ? Après des maux de tête, des vertiges, des hallucinations, des tremblements et autres troubles, la maladie évoluait en provoquant des douleurs atroces, les malades étaient comme brûlés par un « feu intérieur », et pourtant les mains et les pieds atteints, restaient froids et insensibles au toucher. Bientôt, les parties atteintes « devenaient noires comme du charbon » — appuyant cette idée de « feu intérieur » qui consumait les malades — puis « spontanément et sans douleur, elles se détachaient du corps ». Dans « la vie de Saint-Hugues, évêque de Lincoln », une description quasi-médicale du Mal des Ardents est donnée par l’auteur (c’est le chapelain de Saint-Hugues, en visite à Saint-Antoine en Dauphiné en 1119), qui précise l’état des malades ayant contracté le feu sacré : « Leurs chairs avaient été en partie brûlées, leurs os consumés et certains membres détachés, et malgré ces mutilations, ils paraissaient jouir de la meilleure santé... ce qu’il y a de plus extraordinaire dans ce miracle même, c’est qu’après l’extinction du feu, la peau, la chair et les membres qu’il avait dévorés ne se restauraient jamais. Mais chose étonnante, les parties qu’il avait épargnées restaient parfaitement saines, protégées par des cicatrices si solides qu’on voyait des gens de tout âge et des deux sexes, privés de l’avant-bras jusqu’au coude, d’autres de tous les bras jusqu’à l’épaule, enfin d’autres encore qui avaient perdu leurs jambes jusqu’au genou ou la cuisse jusqu’à l’aîne et aux lombes, montrent la gaieté de ceux qui se portent le mieux ». Une des caractéristiques aussi de la maladie, c’est la perte du sommeil : toute la nuit, les malades » criaient, suppliaient, priaient, mais ils ne dormaient pas », cette insomnie n’était pas due qu’à leurs souffrances, on ne comprendra que plus tard sa signification. Par ailleurs, Sigisbert de Gembloux entre autres, signale des convulsions pour l’épidémie de 1089, «... de nombreux malades réellement tordus par la contraction des nerfs souffraient de cruels tourments ». Mais après ces formes mixtes de la maladie provoquant gangrène et convulsions, des formes uniquement convulsives, au Mal Saint-André furent décrites. Les crises convulsives s’accompagnaient d’hallucinations. Un malheur ne venant jamais seul, la maladie sévissait, les années de disette, après un printemps froid et humide suivi d’un été pluvieux. On mettra des années pour établir une relation entre ces faits. Pour combattre ces épidémies, on employa les moyens habituels de l’époque : la prière, le recours à Dieu et à tous ses saints, avec en sus des pratiques relevant le plus souvent de la magie et de la sorcellerie et quelquefois de la médecine ! Dans Antoninae Historiae compendium, Falco, historien de l’ordre des Antonins en 1533 écrit : « en l’an 1090... une cruelle peste et maladie de feu, ou persécution du feu sacré, tuait un grand nombre de personnes entre l’Occident et le Septentrion, et en estropiait plusieurs, brûlant misérablement leurs membres, et pour porter un efficace remède à cette horrible misère et calamité, on ne trouva de meilleur, ni plus assuré moyen que d’implorer l’aide et se mettre par prières sous la protection du grand Saint-Antoine ». En effet, depuis une vingtaine d’années, les restes de Saint-Antoine l’Egyptien, sont à la Motte-aux-Bois, petit bourg du Dauphiné, sur les dernières collines molassiques de Chambaran dominant la plaine de l’Isère. Ces restes font l’objet d’un pélerinage : on vient prier le Saint et aussi lui demander la guérison du « feu sacré » qui devient très vite le « feu Saint-Antoine ». Une foule de malades dans un grand dénuement, dont beaucoup meurent en route ou sur place, a envahi littéralement le bourg. En 1095, un seigneur de la Valloire toute proche, Gaston, son fils ainsi que quelques compagnons, fonde « l’ordre des Hospitaliers de l’Aumône de Saint-Antoine » qui se donne pour tâche de soigner les victimes du « Mal des Ardents » ou « Feu Saint-Antoine », et surtout de les aider à survivre malgré leur handicap. C’est ainsi que fut créé le premier hôpital pour les victimes du terrible fléau. En 1119, le pape Calixte II (ex-archevêque de Vienne) promulgue une bulle en faveur des Hospitaliers (ainsi que des Bénédictins venus de Montmajour en 1083 pour garder les restes du Saint Ermite, et constructeurs de la première église) : « nul n’a le droit de violer leurs demeures, de voler leurs biens ». Cette recommandation est bien utile, mais peut-être pas suffisante, en ces temps troubles où certains seigneurs et les bandes de voleurs, employaient les mêmes méthodes pour vivre aux dépens du « pauvre peuple ». L’ordre sous la direction de ses Grands-Maîtres successifs (dix-sept issus des nobles familles du terroir de 1095 à 1289) va se développer. Gaston de Valloire, le premier Grand-Maître a donc créé le premier hôpital avec une organisation fonctionnelle : accueil et réception, examen et diagnostic, amenant un tri des malades avec les soins adéquats. Ces soins étaient à la fois simples et complexes. Simples, car la partie purement médicale comportait l’utilisation de potions et d’onguents à base de plantes médicinales (différentes suivant les régions et les commanderies) ; la chirurgie, elle, ôtait les membres condamnés. Complexes, par le rituel : l’invocation à Saint-Antoine était complétée par l’usage du Saint-Vinage (vin recueilli le jour de l’Ascension après arrosage des ossements de Saint-Antoine) suivant un cérémonial bien défini. Mais c’est surtout la partie hygiène qui était importante : l’hébergement, l’hygiène corporelle et vestimentaire et surtout l’hygiène alimentaire. La qualité de l’alimentation était déterminante dans les guérisons, ainsi que la quantité et les fameux cochons élevés par les moines y étaient pour beaucoup !
Renseignements pris sur le site : https://books.openedition.org/iremam/3132?lang=fr